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744. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

En général, la condition dans laquelle un artiste a vécu, les hasards auxquels il a été mêlé, la situation prospère ou infortunée de la nation à laquelle il a appartenu, l’état des mœurs, relâchées ou guerrières, rigides, pacifiques, luxueuses, austères, laisseront probablement dans son œuvre un reflet, une trace ; mais cette influence n’a rien de fixe ni de constant. […] C’est par le développement graduel de cette indépendance des esprits qu’il faut expliquer en art, la persistance de moins en moins longue des écoles et leur multiplication, le caractère de moins en moins nettement national des œuvres, à mesure que la civilisation à laquelle elles appartiennent se déploie, se diversifie et s’étend. […] D’une part cette influence n’existe pas pour la plupart des suprêmes génies comme Eschyle, Michel-Ange, Rembrandt, Balzac, Beethoven ; d’autre part cette influence cesse à peu près d’exister dans les communautés extrêmement civilisées, telle que l’Athènes des sophistes, la Rome des empereurs, l’Italie de la Renaissance, la France et l’Angleterre modernes ; enfin cette influence variant en raison directe de la civilisation, il faudrait une enquête préalable sur l’état de la société à laquelle appartient une œuvre, avant qu’il fût permis de conclure de celle-ci à celle-là.

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