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663. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Quand les parents aiment assez profondément leurs enfants pour vivre en eux, pour faire de leur avenir leur unique espérance, pour regarder leur propre vie comme finie, et prendre pour les intérêts de leurs enfants des affections personnelles, ce que je vais dire n’existe point ; mais lorsque les parents restent dans eux-mêmes, les enfants sont à leurs yeux des successeurs, presque des rivaux, des sujets devenus indépendants, des amis, dont on ne compte que ce qu’ils ne font pas, des obligés à qui on néglige de plaire, en se fiant sur leur reconnaissance, des associés d’eux à soi, plutôt que de soi à eux ; c’est une sorte d’union dans laquelle les parents, donnant une latitude infinie à l’idée de leurs droits, veulent que vous leur teniez compte de ce vague de puissance, dont ils n’usent pas après se l’être supposé ; enfin, la plupart ont le tort habituel de se fonder toujours sur le seul obstacle qui puisse exister à l’excès de tendresse qu’on aurait pour eux, leur autorité ; et de ne pas sentir, au contraire, que dans cette relation, comme dans toutes celles où il existe d’un côté une supériorité quelconque, c’est pour celui à qui l’avantage appartient, que la dépendance du sentiment est la plus nécessaire et la plus aimable.

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