S’il y a des actions libres ou tout au moins partiellement indéterminées, elles ne peuvent appartenir qu’à des êtres capables de fixer, de loin en loin, le devenir sur lequel leur propre devenir s’applique, de le solidifier en moments distincts, d’en condenser ainsi la matière et, en se l’assimilant, de la digérer en mouvements de réaction qui passeront à travers les mailles de la nécessité naturelle. […] Il y aurait dès lors place, entre le dogmatisme métaphysique d’un côté et la philosophie critique de l’autre, pour une doctrine qui verrait dans l’espace et le temps homogènes des principes de division et de solidification introduits dans le réel en vue de l’action, et non de la connaissance, qui attribuerait aux choses une durée réelle et une étendue réelle, et verrait enfin l’origine de toutes les difficultés non plus dans cette durée et cette étendue qui appartiennent effectivement aux choses et se manifestent immédiatement à notre esprit, mais dans l’espace et le temps homogènes que nous tendons au-dessous d’elles pour diviser le continu, fixer le devenir, et fournir à notre activité des points d’application. […] Mais la vérité est que l’espace n’est pas plus en dehors de nous qu’en nous, et qu’il n’appartient pas à un groupe privilégié de sensations. […] Mais si la divisibilité de la matière est tout entière relative à notre action sur elle, c’est-à-dire à notre faculté d’en modifier l’aspect, Si elle appartient, non à la matière même, mais à l’espace que nous tendons au-dessous de cette matière pour la faire tomber sous nos prises, alors la difficulté s’évanouit.