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326. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Tous mes lecteurs se souviennent que j’ai écrit, en 1847, un livre qu’il ne m’appartient pas de juger littérairement ; livre qui produisit, lors de son apparition, un effet tellement universel que les critiques du temps ne purent le comparer qu’au mouvement de curiosité de l’Émile de J. […] Au lieu de suivre en hésitant un mouvement désordonné qui allait mener de convulsions en convulsions désormais irrésistibles aux derniers abîmes, je fis résolument la république ; je la fis seul, quoi qu’on vous en dise ; j’en assume seul la responsabilité ; je nommai seul les chefs les plus en vue et les plus populaires qui pouvaient lui apporter l’autorité des différentes factions auxquelles ils appartenaient ; je me nommai moi-même, parce que je n’appartenais à aucune, et parce que, soutenu par le peuple, seul je pouvais être arbitre dans ce conseil souverain du gouvernement. […] Je ne réserverais que ma personne, qui ne m’appartient pas, puisqu’elle appartient à la cause de la dynastie légitime et de la liberté conservatrice. — J’irai donc », lui dis-je. […] Ce qu’il suffit de savoir, c’est qu’elle fut pressante jusqu’au pathétique du côté du roi ; loyale, respectueuse, mais inflexible de mon côté ; qu’il me déroula pendant trois heures les circonstances atténuantes de son acceptation de la couronne en 1830 ; les concessions nécessaires à l’opinion qui l’avaient forcé de se jeter entre les mains de tels ou tels ministres, nécessités désagréables pour l’homme, indispensables pour la couronne ; les divisions d’amour-propre qui décomposaient ses ministères, la pression contraire de ces ministres ambitieux sur son gouvernement, l’inconciliabilité de leurs prétentions dans les conseils, le danger de leurs brigues dans les chambres, le danger aussi grand de décréditer la couronne en la confiant à des ministères subalternes que ne couvrait rien, pas même leur insuffisance, aux yeux du pays ; enfin sa résolution de se rejeter tout entier sur les hommes de patriotisme, de gouvernement et de talent, qui avaient appartenu au royalisme d’avant 1830, de faire de la monarchie avec des monarchistes, et de la conservation avec des conservateurs ; à ce titre, il me conjura d’abdiquer mes répugnances à servir la monarchie sous un nouveau monarque, à me rallier hautement à sa maison et à sa cause, devenue la cause de l’ordre en Europe, et à servir de noyau à un ministère dans cet esprit de rapatriement des royalistes par sa dynastie.

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