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19. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Se diviser à l’infini, associer selon les proportions les plus variées le sujet, avec l’objet, se faire l’acteur de toutes les aventures afin d’en être le spectateur, tel apparaît le vœu de l’être phénoménal, à la fois inventeur et deviner d’énigme, auteur des charades sans nombre dont il cherche et divulgue le sens. […] Mais le sentiment même de cette liberté originelle, lorsqu’elle apparaît en quelques individualités héroïques, les condamne à connaître en même temps la minutieuse fatalité qui les contraint à jouer leur rôle individuel, tel qu’ils se rappellent l’avoir eux-mêmes composé naguère, strictement délimité par le rôle précis d’une infinité d’autres personnages et par le contour inflexible des décors. […] Cet ensemble de croyances au moyen desquelles le sujet qui connaît est déterminé à être pour lui-même un objet d’étonnement, d’étude et de contemplation, apparaît ainsi que la manœuvre la plus avisée de l’être phénoménal pour satisfaire son désir de connaissance de soi-même. […] Si l’on observe que le cycle des illusions qui aboutissent à favoriser le vœu du Génie de l’Espèce ont du même coup pour effet d’engendrer les êtres qui vont être les spectateurs du drame phénoménal, il apparaît que cet ensemble d’artifices, qui se traduisent chez l’homme par autant de conceptions bovaryques, tend à réaliser cette volonté unique d’un être qui se veut étreindre et posséder dans la connaissance de soi-même.

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