Sans remonter si haut que le Moyen-Age, que l’époque de Chrestien de Troyes, du roi Adenès et autres, qui étaient les rois des trouvères, nous apercevons, sur la pente de ces vieux siècles et de notre côté, Jean de Meun, Villon, surtout Marot, qui méritèrent ce nom. […] Les différences qui existent dans leur talent et dans le système de leur style s’apercevront un jour dans leurs élèves, mais tous tiendront plus ou moins à la grande et primitive école. […] Madame Lebrun, qui nous le fait connaître à merveille, raconte qu’à la Malmaison, chez madame du Moley, il était convenu, pour plus de liberté, qu’en se promenant dans les jardins, on tiendrait à la main une branche de verdure, si l’on désirait ne pas se chercher ou s’aborder : « Je ne marchais jamais sans ma branche, dit-elle ; mais je la jetais bien vite, si j’apercevais l’abbé Delille. » Madame Lebrun elle-même, avec sa facilité, son goût vif à peindre et sa séduction de coloris, me semble avoir été, dans ce même monde, une chose légère, assez semblable à l’abbé Delille. […] C’est qu’au spectacle du printemps l’imagination joint celui des saisons qui le doivent suivre ; à ces tendres bourgeons que l’œil aperçoit, elle ajoute les fleurs, les fruits, les ombrages, quelquefois les mystères qu’ils peuvent couvrir… » Le poète versificateur avait encore ici puisé l’inspiration dans la prose, et, bien qu’avec une liberté heureuse, il s’était souvenu de Rousseau47.