Mais, dans un cas comme dans l’autre, il faut qu’on commence par se donner l’intelligence, ou contractée ou épanouie, saisie en elle-même par une vision directe ou aperçue par réflexion dans la nature, comme dans un miroir. […] Si je choisis, au hasard, un volume dans ma bibliothèque, je puis, après y avoir jeté un coup d’œil, le remettre sur les rayons en disant : « ce ne sont pas des vers. » Est-ce bien ce que j’ai aperçu en feuilletant le livre ? […] Mais nous pouvons ne pas nous rendre compte de ce que nous concevons, et n’apercevoir l’idée réellement présente à notre esprit qu’à travers une brume d’états affectifs. […] Plus elle avance dans ce travail, plus elle s’aperçoit que l’intuition est l’esprit même et, en un certain sens, la vie même : l’intelligence s’y découpe par un processus imitateur de celui qui a engendré la matière. […] Elle apercevra donc toujours la liberté sous forme de nécessité ; toujours elle négligera la part de nouveauté ou de création inhérente à l’acte libre, toujours elle substituera à l’action elle-même une imitation artificielle, approximative, obtenue en composant l’ancien avec l’ancien et le même avec le même.