/ 1383
571. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Quand les Français allèrent coloniser l’île Bourbon ou la Martinique, quand les Anglais vinrent peupler l’Amérique du Nord et l’Australie, ils apportaient avec eux des armes, des instruments, des arts, des industries, des institutions, des idées, bref une civilisation ancienne et complète, par laquelle ils pouvaient maintenir leur type acquis et résister à l’ascendant de leur nouveau milieu. […] Il a fallu l’exhumation de Pompéi pour nous faire soupçonner l’harmonie et la vivacité charmantes de la décoration dont ils revêtaient leurs murs, et c’est de nos jours qu’un architecte anglais a mesuré l’imperceptible inflexion des horizontales renflées et des perpendiculaires convergentes qui donnent à leur plus beau temple sa suprême beauté. […] Non-seulement un Grec de l’ancienne Grèce est grec, mais encore il est ancien ; il ne diffère pas seulement de l’Anglais ou de l’Espagnol, parce qu’étant d’une autre race, il a d’autres aptitudes et d’autres inclinations ; il diffère de l’Anglais, de l’Espagnol et du Grec moderne en ce qu’étant placé à une époque antérieure de l’histoire, il a d’autres idées et d’autres sentiments. […] Nos langues modernes, italien, espagnol, français, anglais, sont des patois, restes déformés d’un bel idiome qu’une longue décadence avait gâté et que des importations et des mélanges sont encore venus altérer et brouiller. […] Cette race a toujours vingt ans : pour elle, indulgere genio n’est pas la pesante ivresse de l’Anglais, le grossier ébattement du Français ; c’est tout simplement penser que la nature est bonne, qu’on peut et qu’on doit y céder.

/ 1383