/ 1383
433. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

* * * — J’ai vu aujourd’hui le modèle des maîtresses, la maîtresse d’un jeune Anglais phtisique, une Italienne assez attachée à la poitrine de son amant, pour l’empêcher de sortir tous les soirs, s’enfermant avec lui, causant, fumant des cigarettes, lisant, toujours couchée sur une chaise longue, et dans une attitude qui montre un bout de jupon blanc et les bouffettes rouges de ses pantoufles. Viennent là, trois ou quatre Anglais et Allemands, qui apportent leurs pipes, une demi-douzaine d’idées hégéliennes, un très grand mépris pour la politique de la France qu’ils traitent de politique sentimentale. […] Un farniente sans remords, une flâne majestueuse et déridée, un lundi du pinceau, des rires, de l’esprit abracadabrant, des blagues énormes et pouffantes, et des enfantillages, et des coups de pied au cul, et la gaminerie et la clownerie parisiennes dansant autour des couleurs et des tubes enchantés tenant le soleil et la chair ; enfin, des heures molles, inertes, avachies, et le Temps s’endormant sur le divan, où ces joyeux pitres le bercent avec de la farce, des pantomimes drolatiques, des ironies, des riens, et le complet oubli et la parfaite insouciance du proverbe anglais : Time is money .

/ 1383