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235. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Un autre extrême, tout opposé, dans lequel on est tombé de nos jours (et je parle ici de la critique sérieuse, de celle de quelques revues anglaises ou françaises, par exemple), est de ne presque point donner idée du livre à l’occasion duquel on écrit, et de n’y voir qu’un prétexte à développement pour des considérations nouvelles, plus ou moins appropriées, et pour des essais nouveaux ; l’auteur primitif sur lequel on s’appuie disparaît ; c’est le critique qui devient le principal et le véritable auteur. […] Il n’est pas étonnant d’après cela que les critiques anglais, et notamment le judicieux Jeffrey dans la Revue d’Édimbourg, se soient fort appuyés du témoignage de Grimm, comme d’un utile auxiliaire pour la guerre qu’ils se disposaient à renouveler alors (1813) contre les auteurs dramatiques du continent. Mais, encore une fois, Grimm, en y voyant les défauts, ne sacrifie pas la tragédie française à celle de nos voisins ; il reconnaît que chaque théâtre est approprié à la nation et à la classe qu’il émeut et qu’il intéresse : « L’un (le théâtre anglais) ne paraît occupé qu’à renforcer le caractère et les mœurs de la nation, l’autre (le théâtre français) qu’à les adoucir. » Grimm va plus loin ; il pense que ces mêmes tableaux que l’une des deux nations a pu voir sans aucun risque, quelque terrible et quelque effrayante qu’en soit la vérité, pourraient bien n’être pas présentés sans inconvénient à l’autre, qui en abuserait aussitôt : « Et n’en pourrait-il pas même résulter, se demande-t-il, des effets très contraires au but moral de la scène ?  […] En général, disait le critique anglais Jeffrey en rendant compte d’une partie de cette Correspondance de Grimm, « tout ce qu’on y lit sur Rousseau est candide et judicieux ».

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