Malgré son Gœtz de Berlichingen, Gœthe n’était point par goût et par choix dans le sens et l’esprit du moyen âge ; il n’aimait aucunement, même dans le mirage du lointain, la barbarie ni rien de ce qui y ressemblait : « De cette ancienne et ténébreuse Allemagne, disait-il un jour à propos d’une production de La Motte-Fouqué, il y a pour nous à tirer aussi peu que des chants serbes et des autres poésies barbares du même genre. […] Il a besoin de clarté, d’idées rassérénantes, et il faut pour cela qu’il se tourne vers ces époques artistiques et littéraires, pendant lesquelles les hommes supérieurs, étant arrivés à un développement parfait, se sentaient bien avec eux-mêmes et pouvaient verser dans les âmes la félicité que leur donnait leur science. » Il fallut Walter Scott, son Ivanhoë et tant de délicieux romans, pour le réconcilier, un moment du moins, avec ces temps anciens et durs : nos essais français en ce genre n’y auraient réussi qu’imparfaitement. […] Sans l’hypocondrie et la négation, il serait aussi grand que Shakspeare et les Anciens. » — Je marquai de l’étonnement. — « Oui, dit Gœthe, vous pouvez me croire ; je l’ai de nouveau étudié, et je suis toujours forcé de lui accorder davantage. » La nature de Gœthe était la plus opposée possible à cet étroit sentiment de rivalité et de jalousie qu’on lui prête.