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840. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Il a des amis, qu’il voit agir, faire des projets, arranger leur vie : il se jette à travers leur existence, à travers leurs plus intimes sentiments, conseillant, disposant, indiscret, impérieux ; c’est la corneille qui abat des noix ; et voilà comment il se brouille avec Rousseau : il veut le retenir à Paris, l’envoyer à Genève ; il décide, il dirige ; il faut qu’il parle. Bonhomme au reste, obligeant, généreux, tout plein de bons sentiments, bon fils, bon frère, bon père, bon mari même, à la fidélité près, bon ami, chaud de cœur, enthousiaste, toujours prêt à se donner et se dévouer : à condition seulement qu’il puisse s’épancher librement, toujours heureux de se mettre en avant, d’être d’une négociation, d’une affaire où il y ait à brûler de l’activité, à évaporer de la pensée en paroles. […] Avec la même indifférence, il semait de ses pages dans les livres de ses amis : un traité de clavecin de Bemetzrieder, une histoire de l’abbé Raynal, une gazette de Grimm, tout lui était bon ; l’essentiel, pour lui, c’était d’écrire ; y mettre son nom n’aurait rien ajouté à son plaisir ! […] S’il malmena Boucher, il applaudissait à Greuze, il lui criait : « Fais-nous de la morale, mon ami ! 

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