Napoléon ici hésita, eut des égards pour l’Europe, pour l’empereur Alexandre, alors son ami et son allié intime, celui qui, en 1808, disait au roi de Saxe à Erfurt « qu’il se sentait meilleur après chaque conversation avec l’Empereur Napoléon, et qu’une heure d’entretien avec ce grand homme l’enrichissait plus que dix années d’expérience. » Mais, depuis cette époque, les dispositions de la Russie et de son souverain avaient bien changé ; les exigences de Napoléon au sujet du blocus continental, l’intérêt qu’avait Saint-Pétersbourg à ne pas s’y prêter, les griefs et les passions de sa Cour et de son peuple, avaient influé sur l’esprit mobile d’Alexandre et l’avaient désenchanté peu à peu et finalement aliéné de son grand ami. […] D’un caractère doux, réservé, de manières aimables, parfaitement honnête homme, il n’était pas le partisan du système français, lorsqu’il fut envoyé chez nous pour la première fois par un prince, bientôt roi, qui allait devenir l’ami sincère de Napoléon. […] Considérée sous ce point de vue, sa retraite du ministère après la paix de Tilsitt fut très-honorable. » Il résulte de cette page à demi discrète d’un ami qu’on peut dire de M. de Talleyrand, comme de Mirabeau, que s’il se laissa parfois acheter, ce n’était que dans une certaine mesure et non au-delà, dans la direction seulement de son opinion et non au profit de l’opinion opposée, et que son bon sens resta incorruptible dans les grandes affaires. […] Le régime impérial pur n’avait pas un ami ni un témoin favorable en lui.