Monmerqué, le Sévigniste, d’aimable et souriante mémoire, n’était pas plus à l’affût de la moindre relique de sa Notre-Dame de Livry ; — le docteur Payen, ce modèle des admirateurs fidèles, n’est pas plus à la piste d’une lettre ou d’une signature authentique de Montaigne ; — notre ami Eudore Soulié n’est pas plus sagace à découvrir et à déterrer sous des liasses poudreuses la moindre trace biographique du grand Molière ; — MM. […] Un de ses amis habitant Nevers, Dalègre, petit homme assez jeune, vif, souriant, sociable, à l’oreille rouge, au teint frais, du tempérament le plus opposé à celui de son ami, est un jour prié par lui de rechercher dans sa ville et dans les environs les débris épars d’une ancienne fabrique célèbre, qui doivent encore s’y trouver ; niais, en cherchant d’abord indifféremment, puis peu à peu avec plus de zèle, pour le compte d’autrui, Dalègre, un matin, se sent mordu lui-même ; il prend la maladie, et, pour son début, il est plus âpre, plus enragé encore que Gardilanne. […] Dalègre, en devenant curieux à l’excès, est devenu par là même avare, jaloux, rusé, hypocrite ; il joue serré avec son ami de Paris, il se cache de lui et le trompe : c’est un rival en faïence. Le moment où Gardilanne arrive à Nevers, en se faisant précéder d’une lettre que Dalègre ne reçoit qu’une demi-heure auparavant, le coup de foudre de cette chute d’ami qui le consterne, son premier mouvement pour dérober en toute hâte les moindres traces de son fragile et casuel trésor, le déménagement nocturne de la faïence par le maître de la maison et sa ménagère, pendant que le voyageur est endormi, la crainte que le cliquetis chéri ne le réveille (car tout collectionneur, comme tout amant, a le sommeil léger pour ce qu’il aime), tout cela fait une scène excellente. […] Bref, devenu possesseur à son tour du fameux instrument après le décès de son ami, Dalègre le brise imprudemment un jour qu’il a voulu en jouer : son désespoir éclate à l’instant en une fièvre chaude.