Or, ce petit écrit, qui n’a pas cent cinquante pages, où il n’est qu’un moraliste et presque un pénitent, où il évite surtout l’air d’historien, a été imprimé en 1822 dans le volume des Mélanges de la Société des bibliophiles : comme ce rare volume n’a guère été tiré qu’à une trentaine d’exemplaires, on ne peut s’étonner que ces petits Mémoires de d’Antin soient si peu connus. […] Pendant ce temps de ses études tant à Paris qu’à Juilly, il ne vit Mme de Montespan que deux ou trois fois, et toujours en cachette ; il sentait bien qu’il était comme proscrit, selon son expression : mais il avait bonne confiance dans son étoile ; toutes les personnes qui le rencontraient lui témoignaient par leur air de considération qu’elles n’y comptaient pas moins que lui, et il se flattait toujours. […] Sa disgrâce, en 1707, après vingt-quatre ans de service, lui semble donc complète, et il la déplore avec des accents où la servilité elle-même se déguise sous des airs de sentiment : Mon malheur est sans exemple… Ce qu’il y a de plus épouvantable pour ce qui me regarde, c’est que le roi a toujours paru content de moi et touché de mes soins ; il l’a dit en son particulier même à qui l’a voulu entendre ; j’ai toujours été favorablement traité, même avec privauté et distinction ; un mois même avant ce dernier coup, il me dit tout haut dans son cabinet, devant toute la Cour, que j’avais toujours bien fait ; et cependant en voilà la récompense !