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364. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Leurs légers frémissements à la moindre brise d’été remplissaient l’air et la grotte d’harmonies fugitives, semblables à des plaintes d’eau ou à des chuchotements de voix humaines qui se parlent tout bas. […] On ne décrit pas l’ivresse, on ne peint pas la verve ; la beauté est la verve de la nature ; la sienne semblait enivrer l’air qui l’enveloppait et qui devenait lumineux et tiède en la touchant ; elle marchait, comme les héroïnes surnaturelles de l’Arioste, dans un limbe d’attraits et de fascination auquel on n’essayait même pas d’échapper. […] » me dit un jour, avec un air de supériorité un peu dédaigneux, le professeur. […] C’étaient ces heures nonchalantes de l’avant-soirée entre la sieste et la promenade du soir, que nous passions dans la grotte de rocaille à respirer l’air de la mer, à causer sans suite, à rêver tout haut, à jouer de la main avec l’eau courante qui scintillait et chantait dans la rigole de marbre à nos pieds. […] « S’il est ami ou ennemi, elle ne le sait pas ; la terreur et l’espérance agitent son cœur serré par le doute ; elle attend, immobile, la fin de cette aventure, sans ébranler de sa respiration l’air qui l’environne ; le chevalier se couche à demi sur le bord incliné du ruisseau, passe un de ses bras sous sa tête où s’appuie sa joue, et s’abîme tellement dans une profonde rêverie qu’il paraît transformé en une insensible pierre.

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