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839. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Soit que l’imitation, en multipliant en quelque sorte les événemens et les objets, satisfasse en partie la curiosité humaine ; soit qu’en excitant les passions, elle tire l’homme de cet ennui qui le saisit toujours, dès qu’il est trop à lui-même ; soit qu’elle inspire de l’admiration pour celui qui imite ; soit qu’elle occupe agréablement par la comparaison de l’objet même avec l’image ; soit enfin, comme je le crois, que toutes ces causes se joignent et agissent d’intelligence ; l’esprit humain n’y trouve que trop de charmes, et il s’est fait de tout tems des plaisirs conformes à ce goût qui naît avec lui. […] La reconnoissance et l’admiration leur imposent, quand il s’agit des anciens ; le bon goût et l’exacte raison les éclairent, quand il ne s’agit plus que d’eux-mêmes. […] Pour moi, je n’imagine qu’une raison de la différence dont il s’agit ; c’est que le poëme étant un ouvrage de longue haleine, il est dangereux de commencer d’un ton difficile à soutenir ; au lieu que l’ode étant resserrée dans d’étroites bornes, on ne court aucun risque à échauffer d’abord le lecteur, qui n’aura pas le tems de se refroidir par la longueur de l’ouvrage.

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