Il fallait, de plus, apprendre à toute la terre ce que les savants et les historiens savaient seuls, c’est que, depuis plus de cent ans, d’énormes manuscrits, laissés par un homme de génie et dont la gloire a ce côté grandiose et pur d’avoir été posthume, confisqués par l’État et traités comme de vieilles momies égyptiennes, dormaient d’un sommeil qu’on pouvait croire éternel, sous leurs tristes pyramides de cartons incommunicables, au ministère des affaires étrangères, qu’on avait bien le droit d’appeler, à ce propos, des affaires étranges ! […] — et il en a élégamment caressé les museaux auxquels il avait affaire, mais ces museaux ne sont pas assez fins pour sentir l’impertinence de cette caresse, et, puisqu’on les renvoyait au chenil, ces affreux et hargneux doguins, ces Laridons administratifs, c’est avec un fouet de valet de chiens qu’il eût fallu les y ramener ! […] Dubois l’a pris des mains du Régent, qui l’a planté de sa toute-puissante autorité dans cette ambassade d’Espagne, non d’affaires, mais de cérémonial, et tout exprès pour lui faire décrocher la timbale d’une Toison d’or et d’une grandesse ! […] Nulle d’affaires, comme je l’ai dit plus haut, l’ambassade d’Espagne n’eut d’autre importance politique que des mariages entre des enfants, et sans ces stupéfiantes adorations à Dubois, qui jurent si cruellement avec le caractère connu de Saint-Simon, de cet homme qui semblait fait d’un seul morceau comme un bloc de granit volcanisé, il n’y aurait rien à y chercher… Le portrait du roi et de la reine d’Espagne, l’esquisse du grand portrait des Mémoires, ne fait point partie des dépêches de l’ambassadeur, et il est rejeté à la fin du volume.