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385. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Les idées d’unité et de continuité sont tellement sorties des cervelles humaines que les hommes de nos jours ne peuvent comprendre que les fautes personnelles, et ne sauraient admettre que l’humanité soit solidairement responsable, et frappée, ici ou là, pour les crimes commis, ici ou ailleurs, par ce qui s’appelle homme. […] Partir d’un axiome, et déduire, déduire encore, déduire toujours, sans jamais rien admettre qui ne soit contenu dans le principe primitif ; de temps en temps, quand, par exemple, on commence un nouveau livre, reprendre l’axiome, le poser à nouveau, dans les mêmes termes, et fournir une nouvelle série de déductions : voilà, non pas la méthode de Bonald, mais sa façon même d’être au monde. […] Et au fond, tout au fond, est-il très sympathique aux yeux de cette postérité, qui est si sévère, parce que des gens dont elle s’occupe elle ne peut admettre qu’ils aient songé à autre chose qu’à elle ? […] Par sa nature même, il n’admet pas le métier, le procédé, le ménagement habile, la dextérité qu’on peut apprendre ; il est comme l’œuvre directe et immédiate de l’esprit pur. […] Elle lui a permis d’avoir des principes très nets, très arrêtés, invariables, tout en menant une existence privée qui n’en admettait guère et, dans le monde politique, cette existence d’ambitieux toujours pressé qui n’en comporte pas.

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