Sans doute elles étaient là pendant la veille, mais nous en étions alors distraits par l’action, nous vivions extérieurement à nous-mêmes : le sommeil nous a fait rentrer en nous. […] Mais ce sont des souvenirs qui se rattachent étroitement à notre situation et à notre action. […] Chez l’homme, la mémoire est moins prisonnière de l’action, je le reconnais, mais elle y adhère encore : nos souvenirs, à un moment donné, forment un tout solidaire, une pyramide, si vous voulez, dont le sommet sans cesse mouvant coïncide avec notre présent et s’enfonce avec lui dans l’avenir. […] Mais supposez qu’à un moment donné je me désintéresse de la situation présente, de l’action pressante, enfin de ce qui concentrait sur un seul point toutes les activités de la mémoire. […] Tu me prends — moi, le moi des rêves, moi, la totalité de ton passé — et tu m’amènes, de contraction en contraction, à m’enfermer dans le très petit cercle que tu traces autour de ton action présente.