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1224. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

I On connaît le passage du Phédon où Socrate raconte qu’Apollon lui ayant prescrit de se livrer à la poésie, il pense que, pour être vraiment poète, il fallait « faire des mythes, non pas seulement des discours, ποιείν μύθουϛ άλλ’ ού λόγουϛ. » Le vrai poète est en effet, comme on l’a dit avec raison, un créateur de mythes, c’est-à-dire qu’il représente à l’imagination des actions et des faits sous une forme sensible, et qu’il traduit ainsi en actions et en images même les idées. Le mythe est le germe commun de la religion, de la poésie et du langage : si tout mot est au fond une image, toute phrase est au fond un mythe complet, c’est-à-dire l’histoire fictive des mots mis en action. […] Même le souvenir, pour lui, se revêt trop du prosaïsme de l’action journalière ; il oublie que le souvenir rend aux choses, en les résumant et les condensant, en quelque sorte, tout le prix qu’elles perdaient par le fractionnement quotidien.

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