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758. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

De là, tantôt des attaques ouvertes contre ce poète, et tantôt des admirations, comme celle de Voltaire, où les critiques se mêlent de si mauvaise grâce aux éloges. Ces critiques, du reste, ne lui ont pas plus porté bonheur, qu’à Marmontel le « mal qu’il dit de Nicolas », selon le mot piquant et si inconséquent du même Voltaire. […] On regrette qu’un esprit si viril, qui a enseigné l’art de travailler lentement, s’épuise à peindre un lutrin, à allumer poétiquement une chandelle, à parodier les plaintes de Didon dans le discours d’une perruquière délaissée, et les paroles d’or de Nestor dans la harangue de la Discorde aux amis du trésorier ; à décrire un combat à coup d’in-folio arrachés de la boutique de Barbin ; et l’on revient aux Satires, à l’Art poétique et aux Épîtres, « ces chefs-d’œuvre, dit Voltaire, de poésie autant que de raison175. » Dans une nation civilisée, où la poésie n’est point la forme naturelle et directe du discours, mais un art de convention difficile et savant, l’écrivain qui fait choix, pour s’exprimer, de la langue des vers, ne doit l’appliquer qu’à des pensées qui mettent l’esprit dans un haut état, et qui le disposent à entendre quelque chose d’exquis dans une langue inusitée. […] Voltaire, à un moment de pleine justice envers Boileau, en a fait le plus bel éloge, quand il a dit de lui : « Despréaux a très bien fait ce qu’il voulait faire178. » Et ailleurs : « Boileau a dit ce qu’il voulait dire179. » Voltaire sous-entendait ceci : Il n’a fait ni voulu dire que ce qui était vrai selon sa nature et sa raison.

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