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203. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Votre ami (Voltaire) qui l’aime beaucoup veut lui faire avoir ses entrées à la Comédie pour Sémiramis… C’est un homme de condition de ce pays-ci, mais qui n’est pas riche, qui meurt d’envie d’aller à Paris, et à qui ses entrées à la Comédie feront une grande différence dans sa dépense. […] Voltaire fut des plus ardents à exalter Saint-Lambert. […] Voltaire ne veut pas surtout qu’on égale le poème de Thomson à celui qui est venu depuis et qui en est, à bien des égards, une imitation. […] Ces jugements exprimés en dix endroits, et qui ressemblent à des contrevérités sur tous les points, sont aujourd’hui un peu compromettants pour celui qui les a portés : dans la poésie élevée, ou sérieuse avec âme, Voltaire n’a pas eu le vrai style, et il est à craindre qu’il n’ait pas même toujours eu le vrai goût. […] On voit qu’il est en garde contre le xviiie  siècle de la France et qu’il s’en méfie : « Point de ces livres, scandale des tablettes, où d’impudents sensualistes se produisent eux-mêmes » ; point de ces livres non plus où le théâtre offre de trop près le vice qu’il croit guérir ; point de Voltaire, il le dit expressément, en le désignant comme « celui qui a bâti à Dieu une église et qui a raillé son nom. » Dans sa définition de ce qu’il veut qu’on évite et de ce qu’il conseille en fait de lecture, Cowper a des paroles qui sont encore à recueillir aujourd’hui : Une vie de dérèglement et de mollesse, dit-il, donne à l’âme un moule puéril, et, en le polissant, pervertit le goût.

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