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1141. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Si son esprit, comme celui de Victor Hugo, eût aimé le jeu violent des antithèses, quelles oppositions il pouvait noter brusquement, dans ce spectacle inouï : les généraux de la Convention, agenouillés devant les dignitaires du Sacré-Collège ; — les ci-devant sans-culottes, devenus ducs et princes, à la pointe de l’épée, et respirant, sans broncher, l’encens des enfants de chœur ; — le trône impérial et le Saint-Siège apostolique ; — la tiare et la couronne ; — la croix et l’aigle ; — la Révolution et l’Église ; — un ancien jacobin recevant, des mains du souverain pontife, l’onction de l’huile sainte, selon le rite institué par les rois très chrétiens ; — le pape de Rome, devenu chapelain du nouvel empire et obligé d’abaisser sa puissance sacerdotale devant le caprice impérieux du césar de Paris ! […] On pensa que Napoléon avait voulu, par ce geste, opposer une manifestation significative aux « prétentions de la cour de Rome » (c’est toujours M. de Méneval qui parle). […] Joséphine, beauté coloniale, venue de la Martinique à Paris sans savoir au juste pourquoi, ayant gardé jusque sous la pourpre impériale un exotisme d’oiseau des Îles, fut sacrée et couronnée, en l’église métropolitaine de Notre-Dame, par un pape qu’on fit venir de Rome exprès pour cela. […] On songe parfois en parcourant les catalogues de nos librairies et les programmes de nos « bouis-bouis », à ces titres suggestifs que Tertullien lisait sur les affiches des théâtres de Rome, au temps où l’empire romain se décomposait dans les cirques… Des aventures immondes, des « élégances » répugnantes, toutes les variétés de l’éréthisme abêtissant, de l’amour égrillard et de l’adultère bourgeois, voilà ce que nous avons vu, revu à satiété, dans les boudoirs, alcôves, « garçonnières » et cabinets de toilette, sempiternellement décrits par nos romanciers mondains.

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