. — On a souvent dit déjà pourquoi l’école romantique, essentiellement lyrique, tenait tellement à s’affirmer au théâtre : il s’agissait de vaincre Corneille et Racine. […] Un exemple : quand on parle de la littérature française au xviie siècle, la pensée court aussitôt à Corneille, Racine et Molière. […] Notre admiration pour Corneille, Racine, Molière, très justifiée dans l’absolu, est par trop sommaire pour l’histoire ; je dirai même qu’elle nous donne une idée fausse du xviie siècle littéraire, et que, par un retour des choses, notre admiration gagnerait à se débarrasser de certains lieux communs. […] Il est tel chœur de Sophocle, tel sonnet de la Vita nuova, telle tragédie de Racine, qui résonnent dans l’âme comme le chant d’un dieu d’amour et de douleur ; et tant que l’humanité vivra, elle retrouvera, dans ces syllabes assemblées par un homme disparu, l’immortelle expression d’une âme toujours présente. […] Nous verrons aussi que la succession logique des trois genres est souvent troublée par des influences littéraires qui n’ont rien de spontané : traditionalisme ou au contraire tactique de combat (ainsi Hugo réagissant contre la tragédie du xviie siècle) ; ou par l’apparition d’un génie hors cadre (ainsi Racine) ; ou par une catastrophe politique (ainsi l’Italie du xvie siècle envahie par l’étranger).