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496. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Le culte de la rime riche s’est maintenu jusqu’à l’époque classique ; les poetae minores du xviie  siècle ; les Théophile, les Saint-Amant, les Le Moine, les Saint-Louis (tous et d’autres excellents poètes et de métier) aimaient la rime, aimant le manuel de leur art ; Corneille, Racine, Molière, La Fontaine riment comme d’honnêtes rentiers ; au xviiie  siècle, les poètes — les menuisiers qui déshonoraient ce nom — riment comme des pauvres ; Victor Hugo enfin restaura la rime, tout simplement en enrichissant le dictionnaire poétique d’un nombre infini de mots méprisés. […] (Et, fort brillamment, M. de La Tailhède fait l’historique des écoles poétiques, de Ronsard au parnassisme et au symbolisme, gardant toute son admiration pour la véritable école de bonne poésie, celle qui avait pour disciples La Fontaine, Boileau, Molière et Racine.) … Ainsi donc, en art comme d’ailleurs en philosophie et en tout le reste, il n’y a qu’École ; et quant à ceux qui se donnent le titre d’individualiste, ils ne prouvent rien, sinon peut-être la crainte qu’ils ont de ne pas être le premier de la leur. […] Ce que je reproche formellement au « vers libre », c’est de n’être pas un vers réellement libre, comme dans l’Agésilas et la Psyché de Corneille, l’Amphitryon de Molière, les Contes et les Fables de La Fontaine dont les décadents ou symbolistes se recommandent à tort, mais un vers disloqué, déséquilibré. […] Molière, La Fontaine et Musset ont été presque les seuls à savoir manier l’ancien vers libre en France.

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