c’est que les étrangers sont aussi envieux de la gloire éminente de notre littérature, qu’ils l’ont été de celle de nos armes ; et qu’il leur conviendrait de nous importer ou imposer Shakespeare et Schiller, pour qu’il ne soit plus parlé enfin de Voltaire, Racine, Molière et Corneille. […] Lopez de Vega a payé le même impôt en Espagne ; et les Parisiens n’entendaient pas trop en exempter Molière. […] Par leurs chefs-d’œuvre, par l’influence de ceux de Molière sur un genre si voisin du sien, et par les immortelles leçons de Boileau, la tragédie française est devenue classique, c’est-à-dire régulière et terrible, correcte et pathétique, vraie et sublime ; d’autant plus admirable, qu’elle unit la grâce à la force, la bienséance à l’audace, la raison enfin, puisqu’il faut le dire, à la poésie. […] en effet Molière jouait les rôles à manteau, il remplissait celui du Malade imaginaire peu d’heures avant sa mort, et il y avait longtemps que Boileau lui reprochait de se donner ainsi en spectacle, et surtout de venir livrer son dos aux coups de bâton. Les deux vers de l’Art poétique seraient donc moins offensants pour Molière, et plus dignes de l’exactitude de Boileau si on lisait : Dans ce sac ridicule où Scapin l’enveloppe Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope.