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681. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Il aurait dû tenir bon quelques années encore, rentrer en France en 1814 ou peu auparavant, ne mourir comme Suard qu’en 1817, à quatre-vingt-un ans ; il aurait eu sa restauration avec Louis XVIII ; sa réputation littéraire, interrompue par la Révolution, aurait repris, lui présent, son rang et son cours ; il aurait été de l’Académie enfin, où sa place était marquée, et dont il ne fut que par son élève, le duc de Lévis. […] Un homme d’État, c’est certainement ce que M. de Meilhan se piquait d’être, et l’on assure qu’il était de ceux qui croyaient avoir une recette pour guérir le mal financier de la France en ces années critiques et pour régénérer la monarchie. […] M. de Meilhan était de ceux qui ne craignaient pas le grand jour ; à la mort de Louis XV, il semble s’être dit : « Mon père était le premier médecin du feu roi, je serai le premier médecin de la France. » Il avait des appuis en cour, et, sous le ministère de la Guerre de M. de Saint-Germain, il fut appelé à une place de création extraordinaire, celle d’intendant général de la guerre et des armées du roi. […] Il y a des chapitres qui, pour la forme, sont dans le goût de Montesquieu : ainsi, le chapitre XV sur la France : « Il est un peuple à qui sa vivacité rend tout sensible à l’excès, à qui sa légèreté ne permet pas d’éprouver d’impressions durables. […] C’est ainsi qu’il a dit encore en parlant des femmes et de l’amour-passion (car l’expression est de lui), et en convenant qu’il ne l’avait jamais éprouvé : « En France, les grandes passions sont aussi rares que les grands hommes. » À mes yeux, la vérité de l’ouvrage de M. de Meilhan consiste surtout dans cette nuance générale, relative à son moment.

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