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476. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

L’écrivain (suite) I Il est rare en France de rencontrer un grand écrivain qui soit populaire. […] Consultez les récits des voyageurs anglais qui ont visité la France sous Louis XIV et Louis XV. […] Parcourez aujourd’hui la France ; si la Révolution a diminué les différences de fortune, la centralisation a augmenté les différences de culture : une seule cité maîtresse où fourmillent et pullulent les idées engorgées qui s’étouffent et se fécondent infatigablement par le travail et le mélange de toutes les sciences et de toutes les inventions humaines, alentour, des villes de provinces inertes où des employés confinés dans leur bureau et des bourgeois relégués dans leur négoce vont le soir au café pour regarder une partie de billard et remuer des cartes grasses, bâillent sur un vieux journal, songent à dîner et digèrent sur des cancans ; plus bas encore, des paysans qui ont pour bibliothèque un almanach, lequel est de trop bien souvent, puisque la moitié d’entre eux ne sait pas lire, qui votent en moutons, et trouvent que ce vote est une corvée, ignorants, apathiques, incapables d’entendre un mot aux intérêts de l’Etat et de l’Eglise, habitués à laisser leur conscience et leurs affaires aux mains des gens qui ont un habit de drap. […] Un petit mot qu’on a déjà dit, qu’il faut répéter, explique tout : il était poëte, chose unique en France, et poëte de la même façon que les plus grands. […] Il n’y a rien de plus rare en France que ce don.

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