Si Chateaubriand eût été un grand poëte au lieu d’être un grand prosateur, et s’il eût conçu son poëme rationnel sur les vérités les plus acceptées de son siècle, en morale, en politique, en religion ; s’il eût vulgarisé quelque vérité nouvelle, pleine de Dieu, comme elles le sont toutes, et qu’il eût popularisé et divinisé ces vérités par un style en vers digne de Dieu et des hommes, il est à croire que le genre humain posséderait un poëme épique de plus, et la France un véritable et immortel poëte épique. Mais il n’éleva pas sa pensée si haut et il ne lui imprima pas un vol si saint ; il n’aspira pas à révéler à l’univers une masse de réalités nouvelles et à ramener à Dieu un chaos d’esprits égarés, pour commenter et adorer son nom. […] On s’étonnait qu’un si vaste résultat fût produit par une si mince machine poétique, et que le prophète du dix-huitième siècle n’eût pas inventé pour changer le monde quelque chose de plus neuf et de plus grand que la rêverie d’un enfant de chœur, en l’honneur de la croix de son Dieu, au bruit des cantiques sacrés et au parfum de l’encens évaporé du saint sacrifice. […] Ô Dieu ! […] Il s’était réfugié de bonne heure dans la seule pensée, triste aussi par sa grandeur, inexplicable, à laquelle tout aboutit, mais qui est, elle-même, un mystère, pour en expliquer un autre, Dieu ; il était religieux par mélancolie ; par là, il était grand comme sa pensée.