À bien des égards, par l’enthousiasme et la hauteur de la pensée, cette page rappelle l’hymne de Shelley à la Beauté intellectuelle : « J’ai gravi sur mes genoux la montée qui conduit à Dieu : je suis tombé, me suis relevé, je suis retombé encore ; je me suis abattu si fort que je restai sur le chemin, statue gisante, pâle, et comme prêt pour le sommeil suprême ; mais c’est là période accomplie. […] Ce qui aura été mauvais de moi, périra comme aura péri dès la terre tout l’inutile et tout le fangeux de la terre ; mais le pur et le beau retourneront à la source infinie, et de même que j’arrive en ce moment à Dieu, se rejoindront à lui. […] Il est vrai, ma journée n’est point encore au soir, et pourtant, et déjà semblable au céleste, à l’ineffable regard des femmes, ton regard, ô Dieu, s’est posé sur moi pour jamais. […] Tous les grands artistes organisent, en effet, l’univers suivant le rythme qui leur est propre, et c’est en cela qu’ils sont créateurs, au même sens qu’on peut dire que Dieu est créateur, si on appelle Dieu la force permanente et éternelle qui organise durablement l’univers, qui maintient la loi d’attraction entre les astres qui évoluent dans l’infini du ciel, et qui empêche partout la vie de se décomposer et de se dissoudre. Les vrais créateurs sont donc, comme l’affirme avec une puissance admirable Adam Mickiewicz, ce grand poète presque inconnu en France, des émules de Dieu.