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283. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

On sent bien qu’un tel caractère est peu favorable aux éloges ; mais les panégyristes poursuivent encore plus les rois, que souvent les rois ne sont empressés à les fuir ; il paraît même que Louis XIII en fut importuné ; peut-être même que son esprit naturel lui fit haïr de bonne heure un genre d’éloquence qui, le plus souvent, n’a rien de vrai, et qui au moins est vide d’idées ; peut-être aussi qu’un homme calme et sans passions doit mieux sentir le ridicule de ce qui est exagéré ; et c’est le vice nécessaire de tout ce qui est harangue ; peut-être enfin que tant d’éloges sur de grands événements auxquels il avait peu de part, lui rappelaient un peu trop sa faiblesse et une gloire étrangère. […] Ils l’ont peint comme un esprit souple et puissant, qui, malgré les ennemis et les rivaux, parvint aux premières places, et s’y soutint malgré les factions ; qui opposait sans cesse le génie à la haine, et l’activité aux complots ; qui, environné de ses ennemis, qu’il fallait combattre, avait en même temps les yeux ouverts sur tous les peuples ; qui saisissait d’un coup d’œil la marche des États, les intérêts des rois, les intérêts cachés des ministres, les jalousies sourdes ; qui dirigeait tous les événements par les passions ; qui, par des voies différentes, marchant toujours au même but, distribuait à son gré le mouvez ment ou le repos, calmait la France et bouleversait l’Europe ; qui, dans son grand projet de combattre l’Autriche, sut opposer la Hollande à l’Espagne, la Suède à l’Empire, l’Allemagne à l’Allemagne, et l’Italie à l’Italie ; qui, enfin, achetait partout des alliés, des généraux et des armées, et soudoyait, d’un bout de l’Europe à l’autre, la haine et l’intérêt. 

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