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189. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Rien ne le troublerait dans sa profonde et austère contemplation ; ni le passage bruyant des événements publics, car il se les assimilerait et en ferait entrer la signification dans son œuvre ; ni le voisinage accidentel de quelque grande douleur privée, car l’habitude de penser donne la facilité de consoler ; ni même la commotion intérieure de ses propres souffrances personnelles, car à travers ce qui se déchire en nous on entrevoit Dieu, et, quand il aurait pleuré, il méditerait. […] Dans ses poèmes il mettrait les conseils au temps présent, les esquisses rêveuses de l’avenir ; le reflet, tantôt éblouissant, tantôt sinistre, des événements contemporains ; les panthéons, les tombeaux, les ruines, les souvenirs ; la charité pour les pauvres, la tendresse pour les misérables ; les saisons, le soleil, les champs, la mer, les montagnes ; les coups d’œil furtifs dans le sanctuaire de l’âme où l’on aperçoit sur un autel mystérieux, comme par la porte entr’ouverte d’une chapelle, toutes ces belles urnes d’or, la foi, l’espérance, la poésie, l’amour ; enfin il y mettrait cette profonde peinture du moi qui est peut-être l’œuvre la plus large, la plus générale et la plus universelle qu’un penseur puisse faire.

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