Berthier, dans ses hautes fonctions et dans son aptitude limitée, flaira de bonne heure en Jomini un talent supérieur, un rival possible auprès de Napoléon ; les missions de confiance que Jomini va remplir au quartier général impérial dans les campagnes de 1806-1807 éveilleront surtout la jalousie du major général, qui ne perdra aucune occasion dès lors de rabaisser, de retarder, s’il était possible, et finalement de décourager, d’ulcérer et d’outrer, jusqu’à le jeter hors des gonds, un étranger de mérite, et de l’ordre de mérite le plus fait pour lui porter ombrage. […] Mais cette manière de vivre avait de grands inconvénients pour notre service : restant étrangers à tout ce qui se passait, n’ayant communication d’aucun ordre, nous ne pouvions ni nous instruire de notre métier, ni bien remplir les missions dont nous étions chargés36 » Une première remarque à faire et qui vient aussitôt à l’esprit, c’est combien, dans cet état-major de Ney ainsi gouverné, la situation de Jomini, admis continuellement auprès du maréchal à raisonner et à discuter avec lui, devait sembler à part et tout à fait exceptionnelle. […] J’ai moi-même entendu raconter au marquis de Saint-Simon, qui était de cet état-major, combien ces jeunes officiers brillants, étourdis autant que braves, s’isolaient de Jomini, de ce confident du maréchal : il avait à leurs yeux le tort d’être à la fois étranger, savant et non viveur.