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450. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Pourtant nous en avons, au moins à l’état de désir, le sentiment, — sans quoi nous ne saurions écrire deux phrases liées. […] Une œuvre d’art naît à l’état de projet dans un esprit par suite d’une certaine vive commotion sentimentale et cérébrale. On peut dire que l’état, où par cette commotion a été jetée la sensibilité puis l’intellectualité du poète, est la condition primordiale de l’œuvre, qui n’est que l’éternisation de cet état. […] C’est la loi de la société humaine comme de la nature et, dans la société comme dans la nature, l’histoire constate que, de l’état primitif et barbare à l’état de civilisation, — en dépit de souvent graves mais toujours partiels retours en arrière, — cette marche est ascendante, progressive, du mal au bien, du bien au mieux. […] Car l’absolu ne saurait se décomposer et s’acquérir pièce à pièce, et ce quelque chose de sentant et de pensant dans la durée que je suis, ce quelque chose de successif, de composé, dont les diverses parties ne sont reliées que par les mystérieux phénomènes de la mémoire, n’est point en état de concevoir par soi-même l’absolu de la vérité.

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