Sans prétendre, comme l’ont cru les saint-simoniens, que la philosophie puisse devenir une religion publique et organisée, est-il possible qu’elle ne passe point chez les philosophes sérieux à l’état de croyance et de règle ? […] Suivant cette manière de voir (si je la comprends bien, car elle est très-subtile et très-difficile à saisir), il n’y a pas de vérité absolue, ou, s’il y en a une, elle est inaccessible à l’homme ; ce qui existe, ce sont des états successifs d’opinion, et ces états d’opinion sont eux-mêmes les effets de l’état perpétuellement changeant de l’humanité. […] Par exemple, il est de l’essence de l’état de passer par l’anarchie et le despotisme (deux opposés identiques) pour arriver à la liberté. […] Une première nébuleuse, par une condensation progressive, passe de l’état mécanique à l’état chimique, de l’état chimique à l’état planétaire ; elle se brise en centres divergents dont chacun devient une planète ; l’une de ces planètes est la terre. […] Et pour en revenir au point en question, pourquoi la conscience serait-elle simplement la continuation d’un état antérieur et non pas l’apparition d’une force nouvelle, qui est précisément ce que les hommes appellent l’âme ?