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256. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Les peintres mêmes diront qu’il est en eux un sentiment subit qui dévance tout examen, et que l’excellent tableau qu’ils n’ont jamais vû, fait sur eux une impression soudaine qui les met en état de pouvoir, avant aucune discussion, juger de son mérite en general : cette premiere apprehension leur suffit même pour nommer l’auteur du tableau. […] Elles furent imprimées après sa mort dans l’état où il les avoit laissées. […] Par exemple, un homme qui ne sçait pas que le même Pharnace qui s’étoit allié aux romains contre son pere Mithridate, fut dépoüillé honteusement de ses états par Jules Cesar quelques années après, n’est point frappé de la beauté des vers prophetiques que Racine fait proferer à Mithridate expirant. […] Mais comme il est sans connoissance des autres ouvrages, il n’est pas en état de discerner à quel point le poëme qui le fait pleurer est excellent, ni quel rang il doit tenir parmi les autres poëmes.

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