Entre ces deux états, il y a eu une transition insensible, difficile à démêler ; le premier état subsiste encore en certaines occasions, quoique le second soit établi ; parfois elle joue encore avec le son, quoiqu’elle en comprenne le sens. — Cela se voit très aisément pour d’autres mots ultérieurs, par exemple pour le mot kaka ; elle le répète encore souvent hors de propos, sans intention, en façon de ramage, dix fois de suite, au grand déplaisir de sa mère, comme un geste vocal intéressant, pour exercer une faculté nouvelle ; mais souvent aussi elle le dit avec intention, quand elle a besoin ; de plus, il est clair qu’elle en a changé ou élargi le sens, comme pour le mot bébé ; hier, dans le jardin, voyant deux petites places humides, deux traînées d’arrosoir sur le sable, elle a répété son mot, avec un sens, visible et voulu ; elle désigne par ce mot ce qui mouille. […] Au cinquième mois, même mauvaise humeur ; mais alors, sitôt que, sur les bras de sa bonne, il arrivait dans l’antichambre et apercevait la porte, il se taisait et redevenait content. — Voilà la première association nette que nous ayons constatée chez lui ; car je ne compte pas celles qui sont presque innées et qui s’établissent tout de suite, par exemple entre l’envie de téter et le contact du sein présenté par la nourrice. […] Elles représentent les noyaux formés dans le chaos des sons imitatifs ou interjectionnels, les centres fixes qui se sont établis dans le tourbillon de la sélection naturelle.