Alors se marqua l’époque, toujours mémorable pour moi, d’un moment de bonheur que je regretterai toute ma vie : j’étais ivre de l’amour du bien, l’image de la vertu s’était comme réalisée en moi ; je voyais d’un autre côté que la considération dont j’ose dire que je jouissais, était, au moins, en partie, le fruit de mon travail sur moi-même…48. […] Mais lorsque ces sentiments qui, à des degrés différents, sont plus ou moins ceux de toute jeunesse, continuent de s’exalter à des époques où il suffirait d’améliorer et de vivre sans avoir à régénérer, il importe qu’on les contienne et qu’on les détourne sans y trop abonder et sans y donner jour en tous sens : autrement la vie sociale ne serait qu’une révolution continuelle, et chaque génération, en y entrant, ferait explosion à son tour. […] Je ne reviendrai pas sur ces tristes époques : il faudrait être un Tacite pour parler avec intérêt et puissance de ces horribles temps, et tant de gens qui ne sont pas des Tacite s’en sont constitués les historiens. […] voilà l’infernale puissance de cette époque.