À l’époque où s’ouvrit ce grand concile de la politique moderne, Mathieu de Montmorency, philosophe et novateur comme son maître Sieyès, s’élança sur ses pas et sur les pas de Mirabeau au-devant de toutes les théories de liberté et d’égalité qui allaient être soumises à l’épreuve de l’expérience du siècle futur. […] Ce fut à cette époque (1819) que M. de Chateaubriand, alors dans toute la fièvre de ses triples ambitions de gloire, de puissance et d’amour, commença à jouer un rôle dans la vie de madame Récamier. […] Malgré tout ce que dit de délicat madame Lenormant sur la nature purement éthérée de la passion de madame Récamier et de M. de Chateaubriand à cette époque, il est certain pour moi que cette passion avait ses accès, comme toute fièvre des âmes qui communique sa fièvre aux paroles. […] Un de mes amis, M. de Genoude, protégé alors par la femme célèbre, et très assidu dès l’aurore aux devoirs de l’amitié, l’accompagnait tous les jours à l’église ; il m’a raconté souvent, avant l’époque où lui-même entra dans les ordres sacrés, que M. de Chateaubriand ne manquait jamais de se rencontrer dans l’église à l’heure où madame Récamier s’y rendait, qu’il s’agenouillait pour entendre la messe derrière la chaise de son amie, et qu’il oubliait quelquefois l’ardeur de ses prières pour s’extasier à demi-voix sur tant de charmes. […] Madame Récamier ne put sans doute ignorer toutes ces inconstances de goût qui ne furent peut-être pas des inconstances de cœur ; nous croyons, sans oser l’affirmer, que le chagrin qu’elle dut en ressentir explique seul son éloignement de Paris et son second voyage à Rome, à l’époque la plus triomphante du séjour de M. de Chateaubriand à Paris.