On ne la considère pas autrement à cette époque. […] Et si vous dites, contre Brunetière et contre moi, que c’eût été une faute énorme à Molière, surtout à considérer l’époque où il écrit, que de prendre pour truchement de sa pensée, pour porte-parole de l’auteur, en matière si grave, une femme, Dorine, ou même Mme Orgon, je vous répondrai qu’on ne peut pas avoir plus raison que vous ne l’avez et que, dans cette mesure, Brunetière se trompe ; mais ce que je veux dire seulement, et ce que Brunetière aurait dû dire sans aller plus loin, c’est que, pour que la thèse de Cléante eût valu et pour qu’elle parût être celle véritablement de l’auteur, il aurait fallu que, sans prêcher et sans plaider, les membres de la famille d’Orgon eussent visiblement la religion de Cléante ; il aurait fallu que par un seul mot de la part de chacun ils nous eussent été connus comme l’ayant, tous ou la plupart, Elmire, Damis, Marianne, Valère, Dorine, ou trois sur cinq de ces gens-là ; il aurait fallu que Cléante, citant des gens pieux selon son cœur et selon sa doctrine, pût dire, non pas : Regardez Ariston, regardez Périandre, Oronte, Alcidamas, Polydore, Clitandre ; mais : Regardez donc Damis, parmi ceux que j’admire, Marianne, Valère ; et regardez Elmire.