Pour l’Espagnol, au contraire, la religion est une émotion de la chair et du sang, une hallucination du cerveau, une explosion de la férocité native. […] Il sait les deux langues comme pas un ; il a vécu ou voyagé dans les deux pays ; il n’est pas de document historique ou littéraire, d’œuvre plastique ou poétique qu’il ne connaisse et ne juge avec la compétence exercée d’un critique et l’émotion primesautière d’un artiste. […] Ces émotions ont été en moi fort précoces et fort vives, parce que j’habitais sur la frontière de deux pays, l’un vert et beau, l’autre terne et laid, à Vouziers, limite de la terre blanche et de la terre brune. […] Aucun dogme, aucun raisonnement ne les enferme dans un être limité ; pour constituer leur idée, Cent émotions vagues et profondes s’assemblent, la joie des yeux qui considèrent leur glorieux épanchement, l’anxiété de l’esprit qui sent la terre soumise à leur empire, le sourd besoin de la pleine vérité dont leur clarté est l’image. […] Il a une qualité rare chez les écrivains et les artistes, la conscience ; même cette conscience est chez lui scrupuleuse et méticuleuse : il ne s’abandonne pas, il ne croit jamais avoir assez étudié et réfléchi, il ne suit pas le premier jet vif et spontané de son impression et de son émotion.