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245. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

C’est sans doute que leur obscurité fait leur grâce et leur force  ; ils disent ce que l’écrivain ne sait pas dire, quoi qu’il sente ; ils font croire à celui qui en est ému que celui qui les profère abrège par un signe connu la longue litanie de ses émotions, tandis que celui qui les écrit revêt placidement son impuissance d’une forme dont il connaît, pour l’avoir éprouvée, la vertu communicative et tyrannique. […] Trois ou quatre émotions particulièrement chères à l’homme se peuvent dire avec les mots les plus simples, les plus frustes, avec des locutions qui, proférées une fois, sont devenues définitives et comme pareilles à ces roses fées qu’on n’effeuillait pas sans punition. […] Peu à peu, et nécessairement, une idée, une sensation, telle émotion vitale ou intellectuelle, se trouve associée à l’expression toute faite dont la lecture évoqua jadis dans le cerveau cette même idée, cette même sensation, cette même émotion.

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