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691. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Ce qu’il est avant tout, en même temps qu’un homme d’humeur, c’est un homme d’art et de goût ; c’est un habile et, par endroits, un exquis écrivain : là est sa supériorité et sa gloire. […] Mais je vous trouve trop circonspect ; fiez-vous à votre propre sens ; ne feignez point de dire en un besoin que tel bon écrivain a dit une sottise : surtout gardez-vous bien de croire que quelqu’un ait écrit en français depuis le règne de Louis XIV : la moindre femmelette de ce temps-là vaut mieux pour le langage que les Jean-Jacques, Diderot, d’Alembert, contemporains et postérieurs ; ceux-ci sont tous ânes bâtés sous le rapport de la langue, pour user d’une de leurs phrases ; vous ne devez pas seulement savoir qu’ils aient existé. Courier, parmi ces écrivains du xviiie  siècle qu’il énumère, a grand soin d’oublier Voltaire, qui dérangerait sa théorie juste, mais excessive42. […] Son mérite est tout dans le style ; il se moque des faits, et n’en prend que ce qui lui plaît, n’ayant souci que de paraître habile écrivain. […] Je crois, pour vous dire ma pensée, que ni moi ni autre aujourd’hui ne saurait faire œuvre qui dure ; non qu’il n’y ait d’excellents esprits, mais les grands sujets qui pourraient intéresser le public et animer un écrivain, lui sont interdits.

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