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532. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Quelque terme où nous pensions nous attacher et nous affermir, il branle et nous quitte ; et, si nous le suivons, il échappe à nos prises, nous glisse et fuit d’une fuite éternelle, … » plus heureux que Pascal, dont on a reconnu les fortes paroles, ils ont, eux, trouvé « le terme où s’attacher », le roc inébranlable dans l’océan de nos perplexités, et ce roc ou ce terme, c’est la « Science. » Ils savent que deux et deux font quatre, que la terre tourne autour du soleil, que les pierres vont au fond de l’eau, que le coke est le produit de la distillation de la houille, que la peste et le choléra sont d’origine microbienne, quoi encore ? […] Obligée de convenir aujourd’hui qu’elle ne va pas au fond des choses, — que le sous-sol de son domaine, pour ainsi dire, échappe à son exploitation, — et quelle ne saurait nous dire ni ce que c’est que la chaleur, ni ce que c’est que la vie, ni ce que c’est que la pensée, quels titres aurait-elle à nous parler de notre destinée, des lois de notre conduite ou de la force qui gouverne le monde ? […] est celle qui n’affirme l’absolu, — ou l’Inconnaissable — qu’autant qu’elle s’y est, pour ainsi dire, heurtée dans toutes les directions qu’elle a prises pour y échapper ; qui ne s’incline en quelque manière devant le mystère des choses qu’après avoir épuisé les moyens humains d’en éclairer la profondeur ; et qui ne se propose pas enfin, comme celle de Fichte, de créer de son fond, et vraiment du néant, ex nihilo, l’homme, et le monde, et Dieu, mais, plus modestement, de les reconnaître, et de les définir, dans la mesure de notre pouvoir.

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