/ 2110
407. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Parmi les prédicateurs de ce lieu commun, les seuls qui puissent être encore originaux, ce sont les philosophes orthodoxes décidés d’avance à opérer au milieu de leurs phrases compromettantes le sauvetage impossible de l’absolu ; ceux-là resteront toujours divertissants par le spectacle héroï-comique de leurs efforts désespérés pour échapper à la terrible loi du relatif, que cette contradiction des goûts nationaux proclame avec une évidence accablante. […] Il devenait un Ennius, un Homère, et des torrents d’éloquence épique s’échappaient des lèvres d’un esclave poltron qui, dès avant l’action engagée, avait égalé, disait-il, Par son ardeur à fuir l’ardeur des combattants380. […] À les en croire, l’homme trouble l’harmonie de l’univers, plus qu’il n’en fait partie ; il a sur ses actions, ses passions, ses œuvres un pouvoir absolu, et ses déterminations ne relèvent que de son arbitre ; la Nature, de son côté, est sans lois ; non seulement l’homme lui échappe, mais elle peut, en quelque façon, s’échapper à elle-même ; les accidents historiques ne sont pas des phénomènes naturels, et les phénomènes naturels ne sont point des faits nécessaires. […] Nous ne pouvons point nous enfuir hors du siècle où nous sommes, échapper au peuple qui nous entoure, sortir du genre spécial pour lequel nous sommes faits411 ; mais nous pouvons idéaliser dans nos œuvres l’esprit de notre siècle, faire honneur au génie de notre nation412, développer, perfectionner notre talent personnel. […] On croirait vraiment que le poète échappe à la loi de l’association des idées ; à coup sûr, il n’a pas fait de plan.

/ 2110