/ 2110
31. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Elle se dérobe à l’absolu de la ligne ; elle sort, pour ainsi dire, du trait où elle était enfermée ; elle s’échappe et rayonne dans un éclair. […] Ses flatteries sont d’autant plus enivrantes qu’elles sont plus simples ; on dirait qu’elles lui échappent sans qu’elle y pense, et que c’est son cœur qui s’épanche, uniquement parce qu’il est trop rempli. […] Tous ceux qui ont parlé d’elle, les Ségur, les Lévis, le prince de Ligne, Mme de Genlis, sont unanimes à lui reconnaître cet empire absolu et sans appel sur tout ce qu’il y avait de distingué dans la jeunesse des deux sexes ; elle contenait les travers, tempérait l’anglomanie, l’excès de familiarité, la rudesse, ne passait rien à personne, ni une mauvaise expression, ni un tutoiement, ni un gros rire ; « la plus petite prétention, la plus légère affectation, un ton, un geste qui n’auraient pas été exactement naturels, étaient sentis et jugés par elle à la dernière rigueur ; la finesse de son esprit, la délicatesse de son goût ne lui laissaient rien échapper » ; attentive à ce qu’il ne passât aucun courant d’air de la mauvaise compagnie dans la bonne, elle retardait, pour tout dire, le règne des clubs et maintenait intacte l’urbanité française, à la veille du jour où tout allait se confondre et s’abîmer. […] Mais un roman qui, de sa nature, pousse au sentiment, échappe par trop d’endroits à la vérité. […] » C’était en effet bien différent ; il n’y avait un nuance ou de surprise ou d’admiration qui nous échappe, mais qu’indiquait l’accent et dont la finesse se fit aussitôt sentir.

/ 2110