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290. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Une exhalaison s’échappait de ce grand amour embaumé et qui, passant à travers tout, parfumait de tendresse l’atmosphère d’immaculation où elle voulait vivre. » Puis des récits d’imagination1, aussi nombreux chez Flaubert que les récits de débats intérieurs chez Stendhal, complètent ces comparaisons, dévoilent en Mme Bovary l’ardente montée de ses désirs, l’existence idéale qui ternit et trouble son existence réelle. […] Puis les épreuves viennent, sa chair se durcit en de plus fermes contours et, par le revirement habituel, il lui faut un plus jeune amant, pour lequel elle est en effet la maîtresse, la femme chez qui de despotiques ardeurs précèdent les attitudes maternelles, que coupent encore les coups de folie d’une créature sentant le temps et la joie lui échapper, jusqu’à ce qu’elle consomme virilement un suicide, en femme forte et faite, qui sentit les romances sentimentales des premiers ans se taire sous les rudes atteintes d’une existence sans pitié. […] Détestant la réalité de toute la haine d’un idéaliste qui se trouve contraint de la voir, il s’est enfui du monde moderne en un monde antique embelli ; et non content de cette évasion vers le splendide, il a sans cesse tendu et parfois réussi à échapper radicalement au réel, en substituant aux individus les types, à un récit de faits particuliers, un récit de faits allégoriques. […] Son amour des beaux mots  c’est-à-dire tels qu’ils soient sonores, ou éveillent dans l’esprit des images exaltantes  le détermina à sentir et à vouloir exprimer le grandiose, le magnifique, l’harmonieux, à qualifier en termes enthousiastes des choses en soi minimes ; par ces mots, il échappe encore à l’abstraction, et évite de plus la sécheresse de l’analyse psychologique qu’il transpose en éclatantes descriptions. […] Flaubert aussi, et plus complètement, s’échappa résolument à plusieurs reprises hors des sujets qui violentaient sort style ; il satisfit pleinement ses besoins esthétiques, son amour du beau et de l’indéfini, créant la Salammbô et la Tentation, sans plus se souvenir que Paris existait et que le xixe  siècle devait être dépeint.

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