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1037. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Veuillez croire que rien ne m’échappe de ce qu’il y a dans cette attention d’exquis en soi-même et de précieux pour moi ; et permettez-moi d’être encore plus sensible au premier qu’au second de ces mérites. […] L’opinion contraire a prévalu, apparemment comme plus commode ; il sera toujours plus facile de bien reprendre que de bien louer ; mais celui qui serait le premier dans l’art de louer serait le premier dans la critique ; car à bien motiver la louange il y a plus de difficulté et plus de mérite qu’à bien motiver la censure ; et je ne vois pas que les dégustateurs habiles à discerner l’amer, mais à qui échappe l’exquis des saveurs et des parfums, soient dignes de toute la confiance du public. […] Ma tête, dit-elle, ploie sous la lumière des étoiles ; mon calice se gonfle de rosée, comme un cœur se remplit d’un secret qu’il voudrait répéter… Je porte un secret dans mon calice, j’ai le secret de l’univers, qui lui est échappé en songe pendant la nuit, et point de voix pour le redire. […] En refusant de rapporter la morale à Dieu, comme tant de fois on l’a tenté, on peut sans doute échapper à cette conclusion, et ces efforts mêmes ont prouvé à quel point elle était prévue et redoutée ; mais c’est la seule manière de l’éluder ; et cette manière équivaut au rejet absolu de toute religion, puisque une religion où Dieu ne serait pas à la tête de la morale, c’est-à-dire de la vie et de tout l’homme, ne serait que l’ombre menteuse, le fantôme d’une religion.

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