L’œil clair et doux de ces âmes simples contemplait l’univers en sa source idéale ; le monde dévoilait peut-être son secret à la conscience divinement lucide de ces enfants heureux, à qui la pureté de leur cœur mérita un jour de voir Dieu. […] Ce mépris, qui, lorsqu’il n’a pas la paresse pour cause, sert beaucoup à l’élévation des âmes, inspirait à Jésus des apologues charmants : « N’enfouissez pas en terre, disait-il, des trésors que les vers et la rouille dévorent, que les larrons découvrent et dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où il n’y a ni vers, ni rouille, ni larrons. […] Des utopies de vie bienheureuse, fondées sur la fraternité des hommes et le culte pur du vrai Dieu, préoccupaient les âmes élevées et produisaient de toutes parts des essais hardis, sincères, mais de peu d’avenir. […] Enfin, dans un moment où, moins exagéré, Jésus ne présente l’obligation de vendre ses biens et de les donner aux pauvres que comme un conseil de perfection, il fait encore cette déclaration terrible : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu 502. » Un sentiment d’une admirable profondeur domina en tout ceci Jésus, ainsi que la bande de joyeux enfants qui l’accompagnaient, et fit de lui pour l’éternité le vrai créateur de la paix de l’âme, le grand consolateur de la vie. En dégageant l’homme de ce qu’il appelait « les sollicitudes de ce monde », Jésus put aller à l’excès et porter atteinte aux conditions essentielles de la société humaine ; mais il fonda ce haut spiritualisme qui pendant des siècles a rempli les âmes de joie à travers cette vallée de larmes.